Valentine Schlegel - Sculptures à vivre

Article Emmanuelle Enard - le 21 octobre 2019

J’ai une profonde admiration pour le travail de Valentine Schlegel qui œuvre avec une grande liberté, décloisonnant les disciplines, mariant art et artisanat, fonctionnalité et rêverie / sensualité.

En 1950, installée à Paris, elle exerce la poterie. C’est dans l’expérimentation de cette discipline à la jonction avec l’artisanat qu’elle se découvre une attirance, une aisance et une forme de jubilation à traiter le volume. Elle part du végétal pour construire le pot mais le pot vide doit exister aussi, alors elle le pense comme une sculpture. Comment un sculpteur ferait-il un pot ? Sa création part toujours du corps, végétal, animal.

Valentine Schlegel a vendu un pot à une amie qu’elle veut poser sur la cheminée. Seulement le pot et la cheminée ne vont pas ensemble. C’est ainsi qu’elle crée sa première cheminée en plâtre et se passionne pour ce matériau très abordable et ses possibilités plastiques. Elle approche l’architecture intérieure (cheminées, mur étagères, mur bibliothèque, chambre modelée avec bureaux, lits…) avec la même philosophie. L’architecture intérieure est un corps vivant qui reçoit, il est le prolongement d’une nature vivante, d’un corps, végétal, animal. Elle est attachée à l’utilité des objets, elle répond à la fonction mais s’applique toujours à la dépasser pour donner à ses objets une autonomie, une existence artistique propre. Ces éléments d’architecture deviennent sculptures à vivre et jouent avec les corps, invite au contact, à la caresse. Elle nous entraîne à rêver par la matière qu’elle sculpte et cisèle avec une lumière très précise, nous emmenant tantôt vers une amplitude ronde, veloutée, tantôt vers une arrête très dessinée, un décrochement ou encore une envolée d’écailles et reflets. Ses sculptures célèbrent la vie, le corps, la précision du geste, la nature. L’harmonie parle d’elle-même et éveille la sensualité.

Sa sensibilité est ancrée dans sa terre natale et ses origines. Sète côtoie la mer et Valentine Schlegel a grandi entre le port, son bateau, la plage, le sport et les ateliers de menuisier-tapissier et ébénisterie familiaux. Arrivée à Paris, elle dira :

[…], j’ai trouvé que la ville était un grand salon où tout ce que j’aime vivre était exclu. Alors, je me suis dit qu’il fallait proposer aux gens autre chose. Qu’il fallait recréer à l’intérieur des maisons une autre nature vivante, pleine de surprises, de reflets, des formes autour desquelles on peut rêver.

Valentine Schlegel : Cheminées - Sculptures à vivre - 1964-1975 / La Demeure / 1975

Sa capacité à marier l’art et la fonction pour célébrer le vivant, le sensuel, le rêve me touche particulièrement.

Crédits photographie: Suzanne Fournier-Schlegel

Source: Catalogue d'exposition / Valentine Schlegel : Cheminées - Sculptures à vivre - 1964-1975 / La Demeure / 1975

Documentation récente: Exposition au CENTRE RÉGIONAL D'ART CONTEMPORAIN OCCITANIE / Pyrénées-Méditerranée

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